Mis en avant

La Prophétie de Tsiolkovski

En 1911, celui que l’on considère aujourd’hui comme le père et le théoricien de l’astronautique moderne, Constantin Édouardovitch Tsiolkovski (17 septembre 1857 – 19 septembre 1935), alors simple professeur de mathématiques et de physique à  Kalouga, en Russie centrale, écrivait ceci dans une lettre à un ami :

Планета есть колыбель разума,
но нельзя вечно жить в колыбели

Dans le traduction de cette phrase il est toujours question d’un berceau qu’il faudrait quitter un jour, mais il existe au moins quatre ou cinq versions, ce qui a un côté irritant, alors procédons dans l’ordre :
Планета (planyeta) : la planète (~ la Terre)
есть (yest’) : est
колыбель (kolybyel ): le berceau
разума (razuma) : l’esprit, la raison
но (no) : mais
нельзя (nyelzya) : non autorisé, on ne peut pas
вечно (vietchno) : pour toujours
жить ( zhit’) : vivre
в (v) : dans
колыбели (kolybyeli) : berceau (au locatif)

soit :

La Terre (litt: une/la planète) est le berceau de l’humanité (litt: de l’esprit, de la raison), mais on ne peut pas vivre toute sa vie dans un berceau.

J’ai toujours trouvé cette phrase très inspirante et je pense ne pas être le seul. Tous ceux qui se sont intéressés au moins un temps à la conquête spatiale ont pu tomber sur cette maxime, légendant une image de la Terre trônant en majesté sur fond de ciel étoilé et autres illustrations invitant au rêve de voyages lointains. Elle a inspiré des titres d’ouvrages comme par exemple ce recueil de space art Out of the craddle que l’on peut traduire par Hors du berceau.

Et elle contient quelque chose qui renverse l’argument de ceux qui pensent, non sans une forme de bon sens, que ce serait folie que de prétendre s’aventurer dans le vide hostile de l’espace et, pire encore, de prétendre le faire pour toujours. L’idée exprimée par ce que j’appelle “la prophétie de Tsiolkovski” consiste à renverser ce bon sens et à considérer que puisque le berceau n’est qu’un court instant dans la vie d’un homme, il y aurait une forme de ridicule, voire d’indignité, à continuer de s’y prélasser arrivé à l’âge adulte. 

Le but de la réflexion que je veux entamer avec sur blog et la chaîne Space Nation qui lui est associée, c’est d’envisager de quelle manière il serait possible de réaliser cette prophétie. Par quels moyens humains et matériels nous pourrions envisager, en tant qu’espèce, quitter la Terre et diffuser dans la Galaxie.

Et pour entamer cette réflexion, il me semble salutaire de commencer par examiner le moteur dont nous nous servons pour penser, l’esprit lui même. L’idée de trajet vers les étoiles y fait tintinnabuler un monceau de références plus ou moins hétéroclites issues des univers de science-fiction. Des images de vaisseaux, des aventures héroïques, des planètes peuplées de créatures fabuleuses. Et, à mon sens, il y a quelques chose qui doit passer, comme on dit qu’une personne passe à son décès, pour laisser la place à une réflexion rationnelle.

Souvenir d’enfance, les VaisseauX de l’espace

Je devais avoir entre 8 et 10 ans et on avait offert à mon frère aîné un livre d’illustration de Steward Cowley, les Vaisseaux de l’espace, qui se présentait comme un genre d’encyclopédie fictive des vaisseaux spatiaux projetée dans le futur, un peu comme on raconte l’histoire des chasseurs et des bombardiers de la Seconde Guerre mondiale, avec leur caractéristiques techniques et les hauts faits où ils s’étaient illustrés dans tel ou tel conflit, mais avec ici des conflits entre systèmes stellaires. En recherchant sur le web, je trouve que tout ceci prenait place dans un univers de science-fiction,  la Terran Trade Authority, présenté dans une collection de quatre grands ouvrages illustrés, dont celui que j’avais entre les mains, publiés par Stewart Cowley entre 1978 et 1980.

Résumé

Voici enfin publié, après avoir été longtemps jalousement tenu secret, le premier ouvrage complet sur les vaisseaux spatiaux qui ont marqué l’évolution de la conquête de l’espace entre 2000 et 2100, à la suite des essais timides et hésitants du XXe siècle.

Ce Guide d’identification décrit les quarante vaisseaux les plus représentatifs de cette période, y compris les appareils appartenant aux systèmes habités d’Alpha et de Proxima du Centaure, avec l’histoire de leur mise au point et leurs principales caractéristiques techniques.

Cet ouvrage traite aussi bien des intercepteurs légers que des vaisseaux scientifiques ou des yachts privés, selon leur fonction militaire, civile ou commerciale. On a inclu un chapitre sur les vaisseaux non identifiés, dont l’origine reste mystérieuse.

Les contacts avec d’autres habitants de notre galaxie, en 2036, ouvrent une ère de paix et de progrès technologiques sans précédent dans l’histoire de l’humanité, notamment en ce qui concerne la recherche spatiale.

On retrace, ici, les événements historiques et scientifiques qui ont motivé leur construction et ont conduit à imaginer des spationefs de plus en plus fiables et sophistiqués.

Un exemple de planche explicative

J’étais fasciné par cet univers et j’ai passé de longues heures à scruter ces vaisseaux, mais sans jamais pouvoir me départir d’un sentiment d’arrière-plan qui confinait au malaise. Oui, le mot n’est pas trop fort.

Il n’y avait manifestement, dans ces vaisseaux, aucun début de réflexion scientifique ou technique. Les formes et les motorisations étaient complètement fantaisistes, je m’en rendais bien compte malgré mes maigres connaissances de collégien. Et quelque-chose en moi regimbait, comme la sourde révolte d’une rationalité naissante. Je voyais bien que seul le look comptait, et que l’artiste travaillait sans contraintes. Ces vaisseaux avaient de la gueule, et c’était tout. Ils étaient farcis de zigouigouis qui n’avaient d’autre fonction que de meubler les contours et les surfaces. Et puis, ces idées de guerre avec l’étoile de Barnard dans les années 2010 ! Non, je n’y croyais pas, je ne parvenais pas à mordre à l’hameçon et j’en voulais un peu, je pense, à ceux qui nous inventait ce genre de future irréaliste.

Les trajets interstellaires en science-fiction

Avec les VaisseauX de l’espace, j’ai évoqué un ouvrage quasi confidentiel et l’imaginaire du plus grand nombre a été façonné par des œuvres beaucoup plus fameuses. À travers elles, le  thème du trajet vers les étoiles, de système planétaire à système planétaire, nous est devenu tout à fait familier. Nous avons certainement tous en tête des histoires de science-fiction ayant pour cadre une galaxie (la nôtre, ou éventuellement une autre, lointaine, très lointaine…), dans laquelle les planètes jouent le rôle de nations ou de provinces d’empire. 

A titre d’illustration j’ai sélectionné une dizaine d’œuvres que j’estime majeures au moins en considérant l’impact qu’elles ont pu avoir dans l’imaginaires du plus grand nombre, pour les examiner de plus près.

On commencera avec les trois “Stars” : Star Wars, Star Trek, Stargate. Je rajouterais Starship Troopers à l’origine un roman de Robert A. Heinlein, paru en 1959, adapté au cinéma en 1997 par Paul Verhoeven.

Dans le domaine littéraire j’ai également sélectionné le Cycle de Fondation de Isaac Asimov, Dune de Frank Herbert (également adapté au cinéma), le space opera Hypérion de Dan Simmons et The Forever War (en français la Guerre Éternelle) de Joe Haldeman. 

Au cinéma de nouveau, le film Alien de Ridley Scott et ses suites et Avatar de James Cameron.

Pour finir, et parce que la bande dessinée ne doit pas rester en reste, j’appellerai à la barre la série des Valerian de Mézières et Christin, qui a bercé mon enfance, ainsi que celle des Yoko Tsuno de Roger Leloup  dont je collectionnais les albums. Enfin nous terminerons cette petite promenade par une série plus récente, les Mondes d’Aldébaran de Luiz Eduardo de Oliveira, dit Leo.

Dans toutes ces œuvres, les protagonistes se déplacent d’une planète à la suivante dans des durées compatibles avec la tenue de la narration. Le trajet interstellaire parait une formalité à portée de main des prochaines avancées d’une Physique triomphante. Ce qui va m’intéresser ici ce sont les divers moyens imaginés pour s’extraire des limites imposées par la Physique actuelle. Comme vous vous en doutez je pense, je suis un grand fan de science-fiction mais vous devinez que mon but ici est presque offensif à son endroit. Il s’agit d’arraisonner ce délicieux carburant de contrebande qui circule dans notre imaginaire et de le mettre à l’ombre, au fond de la cale, entre parenthèse de la réflexion, afin de faire resurgir l’autorité de la Physique et de réfléchir enfin sous contrainte. Et pour mener à bien cette saisie de douane, il faut commencer par répertorier la came.

On va considérer 4 cas :

  • Cas 1, symbolisé par () : aucun processus physiquement intelligible n’est proposé. On a éventuellement un vocable mais aucune réflexion ne peut être conduite pour en évaluer la faisabilité.
  • Cas 2 symbolisé par (+), un processus physiquement intelligible est proposé, mais il est spéculatif et situé en dehors de notre horizon technologique.
  • Cas 3 symbolisé par (++), un processus correspondant à de la physique établie est proposé mais sans souci de dimensionnement ou d’ordre de grandeur des énergies impliquées.
  • Cas 4 symbolisé par (+++), un processus correspondant à de la physique établie est proposé et un premier pas a été fait pour dimensionner la solution.

StarWars

Commençons par Star Wars, sans doute la plus populaire de toutes. Dans ce space opera d’une très grande richesse, le mode de propulsion à longue distance est très uniforme et réglé d’un trait de plume. Les vaisseaux pulvérisent la vitesse de la lumière grâce une hyperpropulsion (hyperdrive en VO), en sautant dans une sorte de dimension parallèle à l’espace réel, l’hyperespace. L’hyperdrive permet à des voyageurs de traverser une galaxie en quelques dizaines d’heures. Toutes sortes de vaisseaux existent sur ce principe et il existe des fans qui se sont même donné la peine de les classer.

Bien que grand amateur de Star Wars depuis mon enfance, j’avoue me perdre un peu en conjectures quand aux motivations profondes qui sous tendent un tel classement, dans la mesure où l’arbitraire domine en maître dans la conception de ces vaisseaux. Cela croise ma réflexion sur le malaise d’arrière plan qui m’étreignait à la contemplation des Vaisseaux de l’espace. On est clairement dans le cas 1. L’hyperespace de Star Wars ne correspond a aucun concept physique reconnu.

Star Trek

Dans les épisodes de Star Trek les vaisseaux se déplacent au sein des systèmes stellaires à l’aide de moteurs à fusion (moteur à impulsion) et pour les trajets interstellaires, qui doivent être supraluminiques, ils utilisent le phénomène de  distorsion de l’espace (warpdrive), avec un carburant d’antimatière pour fournir l’énergie. La série fait également un usage abondant de la téléportation, avec dématérialisation et rematérialisation des sujets au sein de cabines dédiées.

Avec le warpdrive, on rentre dans le cas 2, cela correspond  à la propulsion Alcubierre qui peut se décrire par des équations de physique bona fide, mais ça reste très en dehors de notre horizon technologique. 

Concernant la téléportation, même si ce concept existe pour décrire un phénomène physique sa mise en oeuvre, en plus d’être absurdement difficile au plan technologique, implique des particules intriquées prépositionnées au point de départ et d’arrivée. La téléportation de Star Trek n’est soumise à aucune contrainte et rentre dans le cas 1. 

Enfin l’usage d’antimatière fait appel à un concept physique reconnu, mais rien n’est dimensionné au niveau des quantités requises ce qui rentre dans le cas 3. 

Stargate

Dans Stargate SG-1, l’hyperespace, encore lui, est utilisée par les vaisseaux spatiaux. Ils y entrent grâce à un générateur d’hyperpropulsion qui peut ouvrir une fenêtre, assimilée à un trou noir artificiel depuis n’importe quel point de l’univers (excepté près des trous noirs). Ce principe est également à l’oeuvre dans le réseau de portes des étoiles (dont la surface active porte le nom évocateur d’horizon des événements, directement inspiré de la physique des trous noirs). C’est donc encore le concept d’hyperespace qui est utilisé mais on va retenir quand même un effort pour relier ça au concept de trou noir et on comprend que le mode de déplacement est probablement inspiré du concept fascinant de pont Einstein-Rosen qui permet en théorie de relier deux trous noirs à travers l’espace-temps. On n’a pas le temps de détailler, mais allez, ça vaut un petit (+).

Starship Troopers

Dans Starship Troopers, on apprend dans le roman éponyme que les engins spatiaux sont mû par un propulseur Tcherenkov et qu’ils peuvent voyager de Sol à Capella, soit une distance de quarante-six années-lumière, en moins de six semaines (source). On n’en saura pas plus. On rappelle que le rayonnement de Tcherenkov désigne la lumière bleutée émise par un milieu, de l’eau ou de l’air typiquement, traversé par des particules qui vont plus vite que la vitesse de la lumière dans ledit milieu. L’appellation de propulsion Tcherenkov est donc astucieusement forgée puisqu’il évoque un dépassement de la vitesse de la lumière, mais ça s’arrête là. Les croiseurs de classe Athéna qui mènent les troupes sur les zones de conflits et dont on voir ci-dessous un fan art ont belle allure mais on ignore tout à fait à quoi ils carburent.  On est dans le cas 1, sans discussion possible, et je vais mettre ça dans la catégorie “Tachyon”, on verra après ce que cela désigne.

Fondation

Dans le Cycle de Fondation d’Asimov, on retrouve l’hyperespace, et les voyages au sein de l’Empire trantorien, qui s’étend d’un bout à l’autre de la Galaxie, se font en empruntant cette dimension parallèle. Le seul inconfort que présente le trajet est une légère crispation au niveau de l’abdomen au moment du bond. Cas 1, sans discussion.

Dune

Dans le cycle de Dune de Franck Herbert, nous avons une Guilde Spatiale qui dispose du monopole du voyage spatial et utilise à cet effet de gigantesques vaisseaux, les Longs-Courriers, propulsés par des générateurs Holtzmann, qui autorisent des déplacements spatiaux instantanés. L’effet Holtzman qui permet de telles prouesses n’est, ô surprise, pas détaillé dans la série, on sait seulement qu’il permet de plier l’espace pour naviguer sans se déplacer. Il est dit également que le modèle mathématique qui base cet effet est bien trop compliqué pour être manipulé par l’esprit humain, aussi la Guilde spatiale utilise-t-elle l’Épice pour produire des Navigateurs doués de prescience, seuls capables de guider les navires dans les méandres des plis spatiaux. On a bien compris que l’effet Holtzman n’est qu’un nom, mais, là encore, on note l’effort de relier ça au concept de warpdrive ce qui vaut un petit (+)

Hypérion

Dans l’univers des Cantos d’Hypérion les voyages entre les différentes planètes de l’Hégémonie s’effectuent de deux façons, soit par un système élaboré de téléportation, le réseau de portails distrans , qui permet des déplacements instantanés entre deux points munis de portes, soit par transport plus classique à bord de vaisseaux spatiaux équipés de moteurs à propulsion Hawking (Hawking Drive en VO), qui apparaissent pour la première fois dans l’Eveil d’Endymion et dont le nom rend hommage bien entendu au très estimé savant du XXIe siècle, Stephen Hawking. On n’en saura pas plus sur ces merveilles de la technologie, seulement qu’ils sont capable de vous emmener mille fois plus vite que la lumière. Les vaisseaux à propulsion Hawking sont en outre conçus pour maintenir les voyageurs en état de sommeil cryotechnique, appelé « état de fugue » durant le trajet.

L’efficacité des portail distrans est phénoménale. À l’occasion du cinquième centenaire de l’Hégémonie, les mystérieuses IA, les Intelligences Artificielles, qui vivent à part de l’Humanité dans un espace énigmatique, le Technocentre, et qui sont en charge de ces portails, ont utilisé des portes distrans pour faire circuler un fleuve, le Téthys, de planètes en planètes, sur l’ensemble de la Galaxie, permettant ainsi le développement spectaculaire d’un commerce fluvial interstellaire. Et un des personnages de la saga est suffisamment fortuné pour se payer un appartement dont chaque pièce est située sur une planète différente.

Quoique l’auteur passe pas mal de temps à détailler ces divers modes de déplacement, qui jouent un rôle crucial dans la narration, ils sont tous aussi infondés les uns que les autres et on a donc trois (-).

La Guerre Éternelle

Dans La Guerre éternelle de Haldeman, les vaisseaux sont munis de moteurs tachyoniques permettant de s’approcher très près de la vitesse de la lumière, et l’auteur prend en compte habilement les effets temporels relativistes qui sont en fait au cœur de l’intrigue. Pour les trajets interstellaires ces vaisseaux relativistes vont rejoindre des collapsars (des étoiles effondrées, on dirait aujourd’hui des trous noirs) autorisant des saut instantanés d’un système stellaire à un autre. L’auteur est titulaire de l’équivalent d’une licence en astronomie (baccalauréat dans le monde anglo-saxon), il fait un usage correct des effets relativistes et les collapsars sont reliés par des ponts Einstein-Rosen, ça vaut un (+). Pour la propulsion tachyonique par contre, c’est un (-). Le tachyon désigne en Physique une particule dont la masse serait imaginaire dans la théorie de la Relativité. C’est donc bien un terme scientifique, mais qui désigne quelque chose qui n’existe pas et aucun concept de propulsion tachyonique n’a jamais été proposé.

Alien

L’univers des Alien est plus low-tech, donc plus réaliste en un sens, il s’affronte plus courageusement, dirais-je, à l’obstacle de la durée des trajets. Ceux-ci peuvent durer des années, voire des décennies, durant lesquelles il faut placer l’équipage en en hibernation, ou biostase. Je n’ai par contre aucun détail sur le mode de propulsion des vaisseaux. J’ai mis un (+) pour l’hibernation, quoique, de mon point de vue, on ne dispose d’aucun moyen, dans les sciences du vivant, permettant de stopper complètement les processus biologiques.

Avatar

Dans Avatar, un réel effort de réalisme a été consenti, au point que l’excellent Roland Lehoucq, physicien au CEA-Saclay, et qui s’est fait une spécialité de décrypter scientifiquement les univers de science fiction, a pu effectuer une analyse du Venture Star, le vaisseau utilisé pour atteindre Alpha du Centaure.

Le vaisseau est censé atteindre les deux tiers de la vitesse de la lumière, en incluant – c’est notable – un freinage, et pour que la taille des réservoirs soit réaliste il faut, selon mon analyse, envisager un cas très idéal (du carburant d’antimatière, éjecté à au moins 30% de la vitesse de la lumière, en valeur estimée, ce qui reste technologiquement irréaliste). Quoique peu réaliste, le cas d’Avatar mérite donc d’être considéré à part au sein de notre petit échantillon. La technologie y est certes fictive, mais la science est correctement traitée et l’architecture du vaisseau peut être analysée rationnellement. Il mérite ses trois petits (+++).

Valérian

Dans le monde de Valérian et Laureline, retour à la science fictive, on y pratique sans contrainte le saut spatio-temporel qui permet un déplacement instantané et sans effort, non seulement dans l’espace mais également dans le temps, donnant une totale liberté à la narration. On est en présence d’un cas 1 caractérisé.

Yoko Tsuno

Yoko Tsuno évolue dans un monde qui semble moins fantaisiste, et la plupart des aventures se déroulent sur Terre avec des technologies de notre temps, mais notre héroïne, dès les premiers albums, fait la connaissance d’êtres étranges à la peau bleue, les Vinéens. Des êtres ma foi forts fréquentables mais plus qu’extra-terrestres : carrément extra-galactiques ! Des habitants de M33, la galaxie du Triangle, la petite cadette de notre Groupe Local de galaxies, située à quelques 2,8 millions d’années-lumière de la Terre, qui dit mieux ? Et au tome 6 de la série dans l’album intitulé Les 3 Soleils de Vinéa, elle va être conviée avec ses fidèles compagnons Vic et Pol, à rejoindre la planète d’origine de ces vinéens dans une navette galactique dont l’auteur prend soin de nous expliquer les arcanes. J’ai lu et relu ces deux bandes de vignettes, je vous les remets pour le plaisir.

Qu’en dites-vous ? Un milieu dont la lumière a été supprimée et qui permet de dépasser la vitesse de la lumière, c’est classe ou c’est pas classe ? Oui allez, c’est pas mal. Mais ça reste complètement et définitivement vide de sens au plan de la physique théorique. Et non Yoko, un trou noir ce n’est pas un endroit dont on a supprimé la lumière, même de très loin, ce n’est pas le concept. On n’échappe pas au cas 1. Un (-) que je vais mettre dans la catégorie “Tachyons” (on dépasse la vitesse de la lumière sans passer par un raccourcis hyperspatial et sans non plus replier l’espace).

Aldébaran

On passe pour finir au monde d’Aldébaran, où on apprend, je cite un résumé de l’oeuvre, qu’en 2037, le professeur Alvin Benevides reçoit le Prix Nobel de Physique pour ses travaux sur un procédé de transfert quantique. Le Benevides Transfert permet d’aller plus vite que la vitesse de la lumière, ce qui va marquer le début d’une ère de colonisation spatiale en commençant par la planète Aldébaran-4, en orbite autour de l’étoile Aldébaran, à 64 années-lumière de la Terre. En 2078, après 30 de préparatif, l’astronef Johannes Kepler va croiser vers Aldébaran avec 1500 colons à bord, et le rejoindra en 255 jours. 255 jour pour parcourir donc 64 années-lumière. Même si l’oeuvre de Léo est beaucoup plus hard science, plus réaliste si vous voulez, que l’univers de Valérian, la propulsion relève quand même du cas 1, aucun principe physique intelligible ne peut être convoqué. Comme on parle de transfert quantique je mets le moins dans la catégorie Téléportation, mais à dire vrai celle de Tachyon pourrait tout aussi bien convenir.

Conclusions

Au bilan de ce minuscule sondage, une vingtaine de “moyens” ont été invoqués, dont la moitié sans aucun soucis de justification théorique. Ce sont simplement des mots qui évoquent vaguement l’univers de la relativité générale ( propulsion Hawking) ou de la mécanique quantique (téléportation), ou d’un mélange des deux.

Parmi les moyens qui s’appuient sur une physique spéculative on a le warpdrive et les ponts Einstein-Rosen (tous les moyens de déplacement à base de trous noirs). J’ajoute à cela l’hibernation ou biostase, qui semble un moyen relativement moins fantaisiste que ce qui précède, et nettement moins gourmand en énergie à l’évidence, mais qui implique un arrêt complet des processus biologique ce qui reste extrêmement spéculatif.

L’usage d’antimatière (ou de fusion) nous fait entrer dans de la physique mieux établie mais dans un seul cas, celui d’Avatar les concepteurs ont semblé se préoccuper des ordres de grandeurs (notamment en prévoyant des réservoirs au vaisseau).

Treize œuvres on est d’accord que ce n’est pas beaucoup pour faire une statistique, et dans les commentaires je vous invites à compléter avec vos lectures, pour rallonger le tableau et aboutir à des ratios plus solides.

 Hyper
espace
Warp
drive
Télépor
tation
Tach
yon
Anti
matière
Hiber
nation
Star Wars (1977)     
Star Trek (1966) + ++ 
Stargate (1997) +     
Starship Troopers (1959)
Fondation (1951)      
Dune (1965) +    
Hypérion (1989)   – 
La Guerre Éternelle (1974)+    
Alien (1979)     +
Avatar (2009)    ++++
Valérian (1970)     
Yoko Tsuno (1976)
Aldébaran (1994)+
TOTAL523424

La contrainte narrative du temps

La raison sous-jacente à cette aisance des déplacements dans toute ces œuvres de fiction relève essentiellement d’une contrainte narrative. Un récit, quel qu’il soit, met en scène très généralement un personnage central, ou un petit groupe de protagonistes, a qui il arrive diverses péripéties, et si on veut que ce récit se déroule en divers lieux situés sur des planètes distantes, il faut que le trajet qui les relie tienne en bien moins qu’une vie humaine. Difficile de trouver une intrigue capable de rebondir sur plusieurs générations, plusieurs millénaires même, avec nécessité à chaque fois qu’on veut faire avancer le récit de reconstruire un nouveau set de personnages qu’il faut relier aux précédents. Mais voilà, cette contrainte est , répétons le, toute littéraire et en tant que telle, elle ne doit tenir aucune part à notre réflexion. Strictement aucune. Et voilà un premier obstacle à affronter. Pour plonger dans le sujet, à la recherche d’une voie permettant de rejoindre un autre système stellaire, il va falloir pour commencer nous contraindre à une forme d’ascèse afin de nous débarrasser des tous les réflexes mentaux qui résultent de cette imprégnation culturelle. Et particulier, si on veut prétendre réaliser la prophétie, il va falloir considérer la contrainte temporelle du voyage bien en face.

Question d’énergie

 Les trajets interstellaires impliquent non seulement des durées mais également des énergies considérables.  C’est l’idée toute simple. Ce qu’on va essayer d’exposer ici, c’est le raisonnement qui permet d’arriver à cette conclusion.

Le premier soucis auquel on se confronte pour aborder le problème est qu’un physicien pourrait très bien répondre à ça que : non, pas du tout. L’énergie nécessaire au trajet peut être rendue aussi petite que l’on veut. Il suffit de se donner plus de temps pour accomplie le trajet.  L’énergie dépend de la masse et de la vitesse à atteindre. La vitesse à atteindre c’est simplement le ratio de la distance à parcourir sur le temps que l’on se donne pour effectuer le trajet.

v = d/t

L’énergie nécessaire pour atteindre cette vitesse est donnée par la formule bien connue de l’énergie cinétique.

E = 1/2 mv² (en J)

Pour commencer on va raisonner pour une unité de masse, m = 1kg et la formule se simplifie en

E = 1/2 v² (en J/kg)

Jusqu’ici rien de bien révolutionnaire, mais l’énergie nécessaire pour effectuer un trajet dans l’espace ne dépend pas de la même façon que sur Terre de la longueur du trajet.

Sur Terre on peut toujours ramener nos besoins en énergie propulsive, c’est à dire généralement en carburant, en une certaine quantité par unité de distance parcourue, en litre ou en tonne pour cent km par exemple. 

Que ce soit en voiture, en bateau, en avion… on progresse dans un milieu visqueux et résistant, de l’air ou de l’eau. Tout mouvement non entretenu par une force motrice finit par s’interrompre au bout de quelques m, quelques km au maximum, quasi instantanément à l’échelle du trajet.

L’espace lui, est vide, il n’oppose aucune résistance au mouvement. Une fois qu’on a lancé un corps il conserve sa vitesse pour les siècles des siècles. Voilà pourquoi on peut se dire qu’une énergie arbitrairement faible permet d’aller aussi loin qu’on veut dans la Galaxie. 

Par contre vu qu’on est dans le vide, si on veut arriver à vitesse nulle à destination, on ne peut pas compter sur les frottements pour s’arrêter. Il va falloir dépenser exactement la même quantité d’énergie pour se freiner qu’on en avait dépensé pour accélerer.

L’énergie totale nécessaire par unité de masse utile est juste le double de ce qui précède soit :

E = v²

Et si on remplace la vitesse par son expression en fonction de la distance à franchir et de la durée de trajet on a donc :

E = d²/t²

Voyager très loin coûte cher, car la distance compte au carré, accomplir ce trajet en une durée breve coûte cher également car c’est à l’inverse du carré de la durée.

De quel choix dispose t’on face aux termes de cette équation ? Concernant la distance, on va considérer que le choix s’impose de lui même : on va tenter de rejoindre le système le plus proche, Proxima du Centaure, situé à 4,2 années-lumière de la Terre. Concernant le durée de trajet par contre on a le choix ce n’est pas la physique qui va nous le dire. 

Le tableau ci-contre donne l’énergie et la durée du trajet en fonction de la vitesse, en considérant (ce qui est inexact) que  l’accélération et le freinage sont instantanés:

VitesseEnergie
(par kg)
Durée du trajet
1 km/s106 J1,2 millions d’années
10 km/s108 J120 000 ans
100 km/s1010 J12 000 ans
1 000 km/s1012 J1 200 ans
3000 km/s1013 J420 ans
10 000 km/s1014 J120 ans
30 000 km/s1015 J42 ans

Je ne vais pas au delà de 30 000 km/s parce que la solution technique qui s’offre à nous, la fusion thermonucléaire, ne nous permet pas d’aller tellement au delà. C’est un premier point très important et qui sera détaillé dans les épisodes concernant la propulsion, mais nous ne disposons d’aucune motorisation dans notre horizon technologique nous permettant de propulser de grandes masses au delà de c/10. ce qui signifie que le trajet vers l’étoile la plus proche s’approche ou dépasse la durée d’une vie humaine.  

Quelle durée vous semble raisonnable ? Aucune peut être. Mais la plus raisonnable disons ? Et qu’est ce que signifie pour commencer une durée raisonnable ? Je propose d’introduire un concept pour rationaliser cela, celui d’horizon temporel. L’horizon spatial, par exemple l’horizon pour un homme qui se tient sur un bateau au milieu de l’océan, c’est la distance où porte son regard. Derrière l’horizon, c’est l’inconnu, voila l’idée. De la même façon, l’horizon temporel c’est la durée dans le futur à laquelle on parvient à se projeter. L’idée est que les hommes qui entreprendront ce trajet ne vont pas se lancer, et lancer leur descendance, dans l’inconnu au delà d’une certaine durée, au delà de cet horizon temporel justement. Le trajet doit être conçu pour qu’on en voit la fin. 

Donc posons nous la question : à quelle distance peut-on voir dans le futur ? C’est une question étrange et pour y réfléchir on peut la retourner et regarder dans le passé. A un million d’années dans le passé, l’espèce humaine moderne n’était pas encore formée. C’est une durée qui dépasse totalement notre capacité de projection. 

A cent mille ans en arrière, on a les début de l’homme moderne et l’essentielle de la durée qui nous sépare de ces époques est perdue dans une brume épaisse d’où émergent quelques traces de campements et des ossements fossiles. 

A dix mille ans en arrière on aborde la Révolution Néolithique et les limites de l’Histoire qui commence à Sumer il y  a environ 5000 ans, avec l’invention de l’écriture. Envisager un trajet qui excede d’un facteur deux la totalité de l’Histoire humaine me semble encore excessif. 

Je propose de considérer que le millénaire forme la borne haute de notre horizon temporel. Un millénaire, c’est en ordre de grandeur la durée des plus vieilles structures sociales formées par l’être humain, à savoir les nations, ou les empires. Mais ici la notion d’empire est sans objet et on restera sur l’idée de nation.

La notion d’horizon temporel du trajet oblige ainsi à introduire dès maintenant un idée qu’on développera plus loin : pour entreprendre ce genre d’entreprise, la bonne échelle à laquelle se placer est celle de la nation. Quelques choses qui  situe l’échelle d’organisation bien au delà de celle de l’équipage d’un navire. 

L’idée est donc que pour partir il faut former une nation, parce que c’est ce qui permet de se projetter le plus loin possible dans le futur, à l’horizon du millénaire, pour réduire notre besoin en énergie qui augmente avec l’inverse du carré du temps. 

Est ce que le raisonnement qui précède est bien rigoureux ? Pas franchement. Mais si j’ai tort, et qu’en fait le trajet pourrait durer par exemple dix fois plus longtemps, eh bien on aurait besoin de cent fois moins d’énergie, ce qui rend l’entreprise d’autant plus jouable. Du point de vue énergétique, plus c’est long, plus c’est facile. Ce que je dis en fait, c’est que se projetter au dela du siècle pour un trajet est possible mais qu’il faut changer d’échelle et se dire que pour y aller il faut trouver un mode d’organisation capable de perdurer sur des dizaines de générations, et que la nation est ce qu’on a de mieux en stock. 

Du coup, à quelle énergie ça correspond ? On va essayer de descendre en dessous du millénaire avec une vitesse située entre 1000 et 10 000 km/s, disons 3000 km/s, 1% de la vitesse de la lumière ce qui donne un rythme de progression d’une année-lumière par siècle et un besoin en énergie (en arrondissant) de 1013 joule (dix mille milliards de joule) par kg. En ordre de grandeur cela représente l’énergie dépensée par une dizaine de fusée du format Ariane V, pour chaque kg de masse utile

C’est déjà considérable mais en plus de cela, c’est un minorant. En plus du corps du vaisseau, la masse utile de masse m, il va falloir accélérer la masse de carburant destinée à propulser tout cela, qui est maximale au départ et qui va décroitre durant le trajet, et le calcul de la masse carburant n’est pas simple, simple. 

On détaillera tout ça dans d’autres épisodes, retenez à ce stade qu’on peut s’en tirer en multipliant le total par un facteur 2 (vraiment au minimum, car ça nécessiterait une masse de départ infinie) ou plus probablement 3 en maintenant la masse de départ dans des limites raisonnables et en comptant les pertes inévitables. 

Cela ne change pas les ordres de grandeur, mais disons ça : raisonnablement il faut compter au minimum 3v² joules par chaque kilogramme de charge utile. 

Il faut maintenant donner un ordre de grandeur pour cette charge utile, mais c’est très compliqué de faire ça bien, à ce stade de la réflexion. 

Demandons nous déjà quelle masse on pourrait envoyer avec l’énergie produite sur Terre. Wikipédia me dit que la production mondiale d’énergie commercialisée (pétrole, gaz, charbon, nucléaire, hydroélectricité, éolien, biomasse, etc) était en 2017 de 13 511 millions de tonne équivalent pétrole, ce qui représente 5,7.1020 joules.

Avec ceci, on a de quoi propulser un vaisseau de 20 000 tonnes à 1% de la vitesse de la lumière. A 10% de la vitesse de la lumière on aurait de quoi envoyer 200 tonnes. 

Bon, c’est pas Byzance. Mais qu’à cela ne tienne, la maison ne reculant pas devant la dépense, prenons tout, toute l’énergie qu’on pourrait emporter dans l’espace. Toutes les ressources fossiles disons. Je vais me baser sur les très sérieuses estimation de la British Petroleum  2012 et 2014.  Si on consacrait l’intégralité des 900 milliards de tonnes, des 187 tera mètre cube et des 1700 milliards de barils qui forment le total des réserves prouvées respectivement de charbon, gaz et pétrole dans le monde, on pourrait envoyer un vaisseau de 1,5 mégatonne à 1% de la vitesse de la lumière, ou 15 000 tonne à 10% de la vitesse de la lumière. Voilà posé le problème énergétique. 

Vous le voyez dès lors qu’on se propose de rejoindre les étoiles dans des durée disons concevable, qui se chiffre en siècle ou en millénaire au maximum, les besoins dépassent largement la capacité productive de l’humanité actuelle. 

Et en plus, ça ne marcherait pas. Techniquement parlant, je veux dire. Car on n’a pas besoin simplement d’énergie. Il faut qu’elle permette d’éjecter le carburant à grande vitesse.

Cela se calcule comme ça. Si on veut atteindre la vitesse v en éjectant derrière soit un jet de gaz à la vitesse u, le rapport entre la masse de départ M0, incluant le carburant, et la masse finale M, quand les réservoirs sont vide, la masse utile en somme (plus la masse des moteur et des réservoir) et en incluant le freinage se calcule comme

M0/M = exp(2v/u)

Le chiffre 2 (qui met au carré l’exponentiel) c’est à cause du freinage. Pour votre culture c’est la la forme réciproque de l’équation de Tsiolkovski (je pense que le nom doit vous dire quelque chose maintenant). On détaillera ça plus tard. 

En imaginant qu’on puisse convertir toues nos ressources fossiles en kérozène, quon peut brûler avec de l’oxygène dans un tuyère, comme dans le premier étage de la fusée Saturn V qui a emené les cosmonautes sur la Lune, on arrive à des vitesse d’éjection de 3 km/s/. Si on veut atteindre une vitesse de 3000 km/s, on a 2v/u = 2000. Donc le rappport des masse est l’exponentiel de 2000. Bon c’est un chiffre qui se passe de commentaire. Même en mettant dans les réservoir la masse de l’univers on ne pourrait pas propulser même un proton à cette vitesse. 

Bon, de toute façon même si la technologie n’était pas un frein, on n’allait pas consacrer l’ensemble des ressources terrestres à la conquête des étoile et puis 1,5 mégatonne, ça n’est pas beaucoup. 

Les plus gros paquebot aujourd’hui déplacent 60 000 t, ici par exemple le paquebot Harmony of the Seas. Il peut abriter environ 8000 personnes en additionnant les passagers et les membres d’équipage. Au niveau de l’effectif c’est pas trop mal, mais les croisières durent 7 jours, et pas 4 siècles. 

L’augmentation de la durée du trajets joue à la fois sur l’effectif embarqué et sur l’espace disponible pour chacun. 

Commençons par évaluer l’espace disponible pour chacun et on va voir que toute la question se résout d’un seul mouvement. Imaginez que vous preniez place à bord d’un tel vaisseau. Le trajet est prévu pour durer mettons 4 siècles. Vous embarquez donc avec la perspective d’y passer le reste de votre vie. Vous et vos enfants. Et les enfants de vos enfants, de vos enfant, de vos enfants… Embarquer pour un tel trajet, c’est engager votre descendance sur au moins une quinzaine de générations. Cela représente une responsabilité morale écrasante. Vous engagez des centaines voire des milliers d’existences qui vont naître et mourir dans le vaisseau où vous décidez d’embarquer. Est ce que vous concevez de vivre et de faire vivre votre descendance dans les coursives d’un vaisseau, aussi luxueux soit il ? Certainement pas, j’imagine. A moi cette perpective même me donne la nausée. 

Pour envisager quelle durée donner au trajet on a fait appel à la notion d’horizon temporel. Pour la question de l’espace disponible, je propose d’utiliser celle de l’horizon visuel. Sur Terre, jusqu’à quelle distance porte le regard ? En ordre de grandeur ça représente à peu près dix kilomètres. De sorte que dans une bulle de dix kilomètres de diamètre vous ne vous sentez pas à l’étroit, on ne se sent pas enfermé. Disons le comme ça : on passe du sentiment d’être à l’intérieur à celui d’être à l’extérieur.  

Et ça concerne bien sur également toutes les personnes qui embarquent avec vous, on ne fait pas une bulle de dix kilomètre pour chaque personne, toutes les personnes qui vivent dans la bulle auront le même sentiment d’espace. Et ça concerne également toutes les personne qui vivront après vous au sein de cet espace. Je prend dix kilomètres parce que je pense que c’est le bon ordre de grandeur, c’est peut être un peu moins ou un peu plus. Mais l’idée est que la taille de l’habitacle pour un trajet qui se chiffre en siècle devrait être commensurable à notre horizon visuel pour défaire complètement le sentiment d’enfermement. 

Et je pense que du coup vous préssentez que même 1,5 million de tonne, la masse maximale que l’on pourrait accélérer jusqu’à 1% de la vitesse de la lumière en utilisant toutes les ressources fossiles de la Terre, ça ne représente pas grand chose quand le projet est d’édifier un vaisseau dont l’espace intérieur permet de voir à près de 10 km. 

Quelle forme lui donner d’ailleurs ? Elle est assez bien contrainte par la nécessité de reproduire la gravité à l’intérieur. La surface habitable du vaisseau est un cylindre en rotation. Vous pouvez voir ici à quoi ça pourrait ressembler à l’échelle, avec la vitesse de rotation correspondante. On détaillera son architecture et sa construction en détail dans de futurs épisodes.   

Et on peut déjà donner la masse de cet immense cylindre. Environ 20 gigatonnes. 20 milliards de tonnes. Oui, les 1,5 mégatonne de tout à l’heure font pâle figure. Et qu’est ce qui nous a fait basculer dans ce gigantisme ? La simple question de l’horizon visuel. 

Je reprend brièvement les étapes du raisonnement : nos moyens technologiques ne nous permettent pas de dépasser une faible fraction de la vitesse de la lumière et l’immense coût énergétique du trajet nous pousse à réduire encore la vitesse, ce qui implique un voyage multi générationnel. Ce qui aboutit à la question de savoir à quelle condition il est possible de vivre une vie entière dans un vaisseau. Question à laquelle on peut approcher une réponse par le biais de ce concept d’horizon visuel. On veut vivre dans un monde qui développe un extérieur, un monde qui ressemble à notre monde terrestre à l’échelle de l’individu. 

L’idée est que l’espace disponible doit être tel qu’une vie humaine dans toute sa richesse, les diverses activités qui la façonnent, soient rendues possibles par la diversité des environnements offerts. Si une existence accomplie est possible alors la succession des générations ne pose plus de problème. 

En quelque sorte, la succession des génération nous permet d’effacer l’immensité des distances à parcourir entre notre système et l’étoile la plus proche, elle nous permet de voyager aussi longtemps que l’on veut tandis que l’immensité de l’espace intérieur du vaisseau nous permet d’effacer la contrainte temporelle à l’échelle d’une vie humaine. On n’est plus tendu sur le but à atteindre à l’échelle de sa propre existence on vit dans un monde qui vaut la peine d’être vécu. 

Ce raisonnement je pense est compréhensible bien que pas très rigoureux. Il n’y a pas malheureusement de théorie de l’espace disponible pour un vaisseau multigénérationnel. On prendra donc garde à ne pas fétichiser ces dimensions, les 10 km de l’horizon intérieur et les 20 gigatonne de la masse utile. Simplement comme ces quantités sont très dimensionnantes, on s’y référera invariablement dans la suite de l’exposé. On se donne en quelques sorte un cas d’école pour mener la réflexion avec des quantités concrètes. Dans les épisodes traitant de l’architecture du vaisseau on cherchera tous les moyens qui permettraient de maximiser l’espace de vie en minimisant la masse de la structure. 

Il reste encore une question ouverte : combien de personne pour peupler le cylindre ? Là encore il n’existe pas beaucoup de moyen de rationnaliser cela avec précision mais on est maintenant assez détendu pour l’aborder sereinement car pour satisfaire le critère d’horizon visuel on a ouvert un espace intérieur largement assez vaste pour loger la population que l’on veut. Disons que la réponse peut varier sur environ deux ordre de grandeurs, entre dix mille et un millions de personnes sans que ça influe sur la masse totale et donc sur l’énergie requise pour la propulsion. Les bornes elles même sont approximatives. La borne inférieure est donnée par un critère de diversité génétique et surtout par la nécessité d’entretien de l’écosystème intérieur, de la structure et de la propulsion. Dix mille c’est sans doute un peu limite pour mener à bien toutes les tâches requises. La borne supérieure est donnée par la nécessité de limiter la place des surfaces anthropisée (les surfaces d’habitation en gros) pour donner le maximum d’extension aux milieux naturels.

 Prenons la moyenne géométrique de ces deux extrêmes soit environ cent mille personnes. Divisé par la masse utile totale de 20 Gt cela représente 200 000 t soit plus de trois paquebots géants par passager. 

Et là vous vous demandez peut être si je n’ai pas un peu trop chargé la barque. Ces 200 kt par passager ne résultent pas d’une méthode de calcul éprouvée, scientifiquement validée, et on pourrait déjà réduire cette quantité en réduisant la durée du trajet. Mais regardez la formule : E = 3 mv² par kg. Disons qu’on veuille diviser le temps de trajet par dix. Cela implique de multiplier la vitesse par dix. Et comme elle figure au carré dans la formule, il faut multiplier l’énergie par cent. 

Par contre, si on garde notre méthode de calcul d’une masse par passager  proportionnelle au temps de trajet, on divise cette masse également par dix. Au total on multiplie par cent et on divise par dix, ce qui revient à multiplier le total par dix  seulement. 

Mais ce n’est pas tout. Si on parvient à voyager à 10% de la vitesse de la lumière, il ne nous faut plus que 42 ans pour rejoindre Proxima. C’est certes long à l’échelle d’une vie humaine, mais ça reste concevable pour de valeureux pionniers et le vaisseau n’est plus multigénérationnel. Il naitra sans doute des enfants durant le trajet (il vaudrait mieux) mais ceux ci arriveront à destination bien avant leur mort. Et de la sorte certainement qu’on peut réduire drastiquement la taille de l’expédition ! De combien ? 

Là encore, il n’existe pas de méthode de calcul rigoureuse. Mais faisons l’hypothèse que l’effectif de l’équipage dépende comme de la masse par passager d’une fonction linéaire du temps de trajet. Si la durée du trajet est dix fois plus courte, on aura besoin d’un équipage dix fois plus réduit. Du coup on diminue à nouveau par dix la masse utile du vaisseau et l’énergie totale nécessaire est donc la même que pour un trajet plus long. 

Que retenir de tout ça ? Eh bien que l’énergie totale est sans doute une quantité robuste : on a vu qu’elle ne dépendait pas de la distance et on voit par le raisonnement qui précède qu’elle ne dépend pas non plus énormément de la durée du trajet, que l’on voyage des décennies ou des siècles, l’ordre de grandeur devrait  rester le même. Et très élevé. Bon, par contre si le trajet est plus court, le vaisseau à construire devrait être plus petit. Autrement dit, si on ne racourcis pas substantiellement le budget énergétique, on diminue grandement l’effort de construction, car évidemment édifier un habitacle de 20 gigatonnes représente un effort assez formidable. 

Mais c’est sans compter une troisième contrainte oubliée, qui concerne la planète de destination. C’est un sujet qui mérite à lui tout seul un épisode.

 

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